Vous êtes comme une bulle flottant dans le bleu, l'océan. Vous avez tout pouvoir sur son mouvement. Mais vous êtes confiné. À l'espace de la bulle, à son point de vue minuscule. Vous n'irez que là où elle vous permet de voir.
Et si vous en sortiez? Si vous n'étiez plus maître? Si vous vous abandonniez? Quelle idée terrifiante.
Votre corps voguerait au gré des courants. Une seule issue possible: contempler. S'ébahir et s'émerveiller. Épouser la force des choses, la force des courants que la vie a pour vous.
J'aimerais aujourd'hui vous partager une possibilité. Celle que l'on a tous, au fond. Celle du lâcher prise. Sur le rationnel et sa promesse de contrôle.
La bulle de nos pensées
L'abus de nos pensées.
Cet article m'est venu suite à une conversation avec un ami. C'était l'un de ces weekends où l'on retrouve un tas de copains. C'est l'un de ces amis avec lequel on referait le monde chaque matin.
Il me fait part de ses frustrations du moment. Amoureuses, professionnelles, ou sociales. Qu'importe, elles sont le lot de chacun. D'ailleurs, nombreux sont ces doutes qui renvoient aux miens.
Ma relation avec mon paternel est compliquée. Mon travail ne cesse de m'interroger. Suis-je un imposteur ou un créatif? Quelle est ma légitimité pour écrire? Quelle est ma sexualité? Ma place dans cette société?
Toutes ces questions, c'est une semaine moyenne. Je ne le cache pas. Elles font partie de moi.
Une seule chose le temps m'a appris: rien de tout ça n'est vraiment figé. Alors à quoi bon les mentaliser?
Prenez votre histoire amoureuse. Chaque rencontre n'a-t-elle pas redessiné le champ des possibles sentimentaux? Chaque partenaire n'a-t-il pas rebattu toutes vos cartes et fait vaciller le château de votre confiance toute construite?
Qu'allez-vous tirer de toutes ces pensées? Tous ces jugements? Qu'ils soient envers vous-même ou les autres, je crois au moins qu'ils vous épuisent.
Et toute cette anticipation? Vous voilà sourd au moment présent. Ce moment, lui qui passe à la surface, paisible et tranquille.
Chaque amour est un flot torrentiel vécu à deux. Parfois, vos fleuves reprennent chacun leur chemin. Libre à vous de le rationaliser, de vouloir l'expliquer, mais alors vous remontez la pente d'un cours d'eau qui s'épanche vers son prochain.
Le problème est le même pour le professionnel. Vous ne cessez de vous interroger sur votre place? Merci. Vous êtes humain.
Quand bien même vous pourriez croire que seules vos pensées et vos choix vous ont amené là, laissez peut-être une place à l'idée que la suite n'est pas maîtrisée?
Je n'ai pas signé un seul client depuis 6 semaines. Je n'ai jamais autant douté. Mais je fais confiance à la force de la vie -à la force de ma vie. Je tente de nouvelles choses. Je sème chaque jour des graines autour de moi. Le Refuge en est une, d'ailleurs. Jamais je n'aurai pu construire cette modeste barque si j'étais noyé dans des projets.
Tenter de saisir le rationnel de chaque moment.
Nous passons tous par là.
Mais je crois que ces efforts mentaux et conscients ne peuvent nous déplacer que dans la petite bulle confinée de l’expérience vécue. Or ce qui nous attend est ailleurs, loin dans l’océan. Je crains que nous ne puissions l’anticiper.
Lâcher prise, s’abandonner et se laisser flotter. Voilà qui reste une possibilité.
Contempler pour respirer
L'océan est beau. Mais comment y parvenir ? Comment traverser le voile flou de notre bulle mentale ?
Commencez par contempler.
Prenez le temps de vous sentir. Prenez le temps de méditer. Prenez conscience de votre corps et de vos pensées. Prenez du recul sur la vie. Observez son étrange curiosité. Voyez ses coïncidences, sa beauté. Réalisez son doux, son complexe, son tout.
Saisissez combien tout cela est insaisissable, et laissez votre esprit respirer.
Chaque instant vous laisse face à un choix: mentaliser ou contempler. Le premier vous renferme sur vous-même. Le second vous ouvre sur la vie. Et je vous promets qu'elle est belle.
Absorbez chaque rayon qui vous est offert, chaque son qui vous est donné. Abandonnez-vous à l'extase de ce défilement.
Alors, que contrôlez vous réellement ?
Prendre conscience et accepter
Le doute vous appartient.
Tout ce que j'observe, c'est que la pause contemplative est un remède à mes anxiétés, un refroidissement à ma surchauffe rationnelle.
Si vous m'avez lu jusqu'ici, je pense que vous comprendrez l'importance de ces parenthèses. Nos vies sont parfois si effrénées. Une simple pause peut sembler hors d'atteinte. En réalité, vous n'êtes qu'à un café en terrasse de vos débuts contemplatifs. Laissez-vous tenter.
Et pourtant, je crois que ce n'est pas suffisant.
Si votre but est de trouver refuge en vous-même, de tendre vers une meilleure version de Soi, alors sûrement faut-il en prendre conscience —du Soi.
Comment définir le Soi ? Voilà une part de nous qui mérite tout un sujet. Mais au sens jungien du terme, les mots suivants me semblent un bon point de départ.
Le Soi est un état de pure conscience, attentif et apaisé, qui accepte de façon inconditionnelle tout ce qui est constaté dans l’instant présent. —Le Soi : l’essence de l’être, EDLPJ
Tout y est. Vraiment. Le Soi est un état, un tout harmonieux. Il est question d'accepter. Là est la clé.
Je ne saurai réduire le problème à quelques vagues recommandations. Mais il est question d'accepter. Vous accepter d'abord. Lâcher prise. Prendre conscience de vos défauts, vos travers, vos faiblesses. Leur accorder un peu d'espace, un peu de tolérance.
Vous êtes si dur avec vous même. Vous êtes humain, enfin. Vous êtes unique. Comment vivre, attentif et apaisé, si sans cesse vous luttez —contre une part de vous?
Je pense sincèrement que c'est le travail d'une vie. J'en suis moi-même à seulement quelques aveux. J'écrirai sur cette part de moi. Cette part ni belle ni conventionnelle.
Il est aussi question d'accepter l'autre. Que contrôlez-vous réellement ? Si la question est entière pour soi, n'est-elle pas évidente pour les autres ? Pensez-vous savoir comment changer votre prochain ? Je n'ai pas cette prétention.
Et si cette idée vous révolte, elle illustre mon point. Je ne veux pas vous convaincre. C'est peut-être votre rôle: changer les autres, les convaincre, les conformer. Et si c'est vraiment le cas, j'espère que vous le vivez bien. J'ai moi même essayé.
Mais aujourd'hui, je me résous à simplement accepter.
Accepter les différences autour de moi. Accepter les différends avec mon paternel. Accepter que mon travail ne soit pas tant un succès. Accepter la part de moi qui n'est pas si belle.
Accepter n'empêche pas d'aimer.
Donnez leur un sourire
Notre époque place la science et le rationnel au dessus de tout.
Je ne nie pas que l'évolution de la société civilisée ait porté de grands progrès. Mais ces progrès sont au prix de pertes énormes. [...] L'homme primitif était bien plus gouverné par ses instincts que ses descendants modernes “rationnels”, qui ont appris à se “contrôler”. —Man and his symbols, Carl Jung
Nous avons appris à nous contrôler. À tout rationaliser. Cela nous rassure. Mais cela nous enferme. Échapper à cette "raison systématique" reste à portée. Chaque jour un peu plus s'en détacher.
L'homme contemporain […] est aveugle au fait que, fort de sa rationalité et son efficacité, il est possédé par des « pouvoirs » qui échappent à son contrôle. Ses dieux et ses démons n'ont pas disparu ; ils ont simplement reçu de nouveaux noms. Ils le maintiennent en fuite, en constante agitation. —Man and his symbols, Carl Jung
Faites confiance aux courants, faites confiance à la vie. Donnez lui un sourire. Elle vous rendra un peu de sa magie.